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Billets d'humeur d'un cine-télé-spectateur

L’Aigle et l’enfant

L’Aigle et l’enfant

L’Aigle et l’enfant

de Gerardo Olivares et Otmar Penker

 

Autriche, Espagne 2016

 

Un poème cinématographique

par le bec et par les ongles !

 

J’ai horreur des films dits « animaliers » à la sauce « grand public façon TF1 », de ces films courts ou longs métrages qui « scénarisent » le monde animal. Nostalgie (de mon enfance) des documentaires de Frédéric Rossif, commentés par l’inimitable Claude Darget, lequel, par sa faconde pleine d’humour apportait une touche « fictionnelle » sans pervertir le sujet ? Diffusée entre 1952 et 1966 sur une télé « en noir et blanc », cette série de films de montage astucieux nous faisait entrer dans le monde intime et impitoyable de la gent animale, sans fard, sans trucages, sans « habillage » nian-nian façon Disney. Petits et grands ne manquaient pas ces beaux rendez-vous… Depuis, la technique, cette foutue technique devenue si performante avec du matériel de prises de vue et de son trop sophistiqués pour être honnêtes, et la mode Bisounours des « docus-fictions » qui sont au monde animal ce que la télé dite « réalité » est à la vraie vie, ont fait du cinéma « animalier » un fourre-tout aguicheur et facile comparable aux « muséographies » modernes qui ont transformé nos musées en théâtre contemporain.

 

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Copyright Terra Mater Factual Studios / Oliver Oppitz

 

Il y a encore des exceptions :  les productions de M. Jacques Perrin respectent une authenticité aujourd’hui rare et explorent avec efficacité mais sans céder aux travers ambiants la « planète animaux ».

 

Quelques superbes films « de fiction » ont su relever le défi (Kes réalisé par Ken Loach) mais c’est rare.

 

 

Un sommet du 7ème art

 

Avec L’Aigle et l’enfant, on atteint une sorte de sommet (au propre comme au figuré) avec une histoire intime très émouvante, bien ficelée, où l’argument scénaristique, pétri de sobriété, se marie magiquement avec la vie des aigles – «Tout ce que vous voulez savoir sur la vie intime des aigles sans jamais avoir osé le demander» !

 

Un gosse orphelin de mère et incompris par son père, un garde forestier (Jean Reno) psychologue et respectueux de la gent animale, des paysages (de montagne et de sommets) à couper le souffle, au fil des saisons, vous transportent comme à tir-d’ailes dans un univers qui oscille entre l’onirique et la réalité…Film tourné dans la Vallée de Defereggen, située en Autriche dans le Tyrol de l’Est et dans la Vallée d’Ahrntal, en Italie dans le Tyrol du sud.

 

 

AIGLE ENFANT 2.jpg

Copyright Terra Mater Factual Studios / Oliver Oppitz 

 

Et c’est là que réside la génialité des deux réalisateurs : un cinéaste de fictions « familiales » s'associe à un cinéaste animalier de… grande envergure ! Les prouesses techniques et humaines y sont fabuleuses : filmage au plus près des aigles et des aiglons et aussi d'autres animaux de la montagne, en les rendant partenaires des trois uniques acteurs. Le gamin y est aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau, en parfaite harmonie avec l’aiglon qu’il va sauver de la mort une fois tombé du berceau aérien. Peu de répliques : des silences, des regards croisés, les yeux tournés vers le ciel, tournés vers l’aigle qui va grandir et s’émanciper. Décors « humains » sobres - juste ce qui est nécessaire : deux chalets vétustes et un cabanon en ruine. La musique n’y est pas omniprésente. Le jeu des comédiens est naturel, sans fioriture et sans excès. La complicité entre l’enfant Lukas (Manuel Camacho) et le rapace est d’une remarquable vérité ; à noter que le gamin acteur avait interprété avec le même réalisateur L’Enfant Loup (2013).

 

Nous sommes loin des « disnyaiseries » : la sensibilité du gosse pour l’aiglon rejeté est humaine – un vrai enfant avec une vraie passion découvre, avec nous, ce qu’est un rapace et... ce qu’il doit devenir. Et s’il y a apprivoisement, cette appropriation de l’animal n'y est que provisoire, responsable, éclairée. Le gosse est bien éduqué à cette vérité par le garde-forestier : un rapace doit, au final, vivre SA vie de rapace ! On est loin de la main mise irresponsable et capricieuse par quelque gamin de la ville sur un petit-panda-peluche et, pour sûr, le jeune Lukas, s’il « détache » son protégé à plumes, ce ne sera pas pour s’en défaire égoïstement et partir en vacances - ou parce qu’il en sera lassé comme d’un jouet dont on ne veut plus.

 

 

AIGLE ENFANT.jpgCopyright Terra Mater Factual Studios / Oliver Oppitz

 

Un poème ? Oui, assurément et ce « conte » est présenté comme tel.

 

A montrer aux enfants capricieux toute affaire cessante ! Peut-être nos gosses (de la ville surtout) poseront-ils un autre regard sur la gent animale…

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